Le juste prix est celui qui contente à la fois l’acheteur et le vendeur, prétendent les économistes.

C’est la stratégie du “gagnant-gagnant” ou du “win-win” pour nos amis anglophones.

Mais il y a des situations où cet équilibre ne peut être atteint.

Règles du jeu

Imaginons que l’on puisse mettre aux enchères un billet de 100 euros.

La règle du jeu veut que les deux derniers enchérisseurs paient la somme qu’ils ont misée en dernier.

Celui qui a fait la plus grosse enchère garde le billet de 100 euros, et l’avant-dernier enchérisseur perd la totalité de sa mise.

Et maintenant suivons les enchères...

Auguste et François-Henry sont les deux protagonistes.

Auguste mise 10 euros, François-Henry renchérit à 20 euros.

Si Auguste s’arrêtait, il perdrait 10 euros et François-Henry empocherait le billet : il gagnerait 100 euros, moins son enchère de 20 euros, c’est-à-dire 80 euros.

Auguste, qui ne veut pas perdre ses 10 euros, renchérit à 30, François-Henry surenchérit à 40.

Et les enchères continuent bon train jusqu’à ce que l’un de nos deux protagonistes, Auguste par exemple, mise 100 euros : la valeur du billet.

La situation est critique : si François-Henry s’arrête, il perd sa dernière enchère de 90 euros.

Donc il mise 110, pour perdre seulement 10 si Auguste s’arrête. Mais Auguste n’a pas intérêt à s’arrêter, il enchérit à 120 euros préférant perdre 20 euros plutôt que 100.

Et ainsi de suite, nos enchérisseurs poursuivent leurs enchères pour ne pas perdre leur dernière mise, jusqu’à ce qu’ils atteignent la somme maximale qu’ils veulent ou peuvent perdre.

Qui va finalement gagner de l’argent ?

Mais, en définitive, ils vont perdre tous deux de l’argent et l’hypothétique vendeur en gagnera beaucoup.

Cette règle du jeu conduit en effet à des enchères infernales.

Evidemment, Auguste et François-Henry auraient pu s’entendre pour ne pas trop faire monter les enchères et partager ensuite le bénéfice du dernier enchérisseur.

Une forme d’entente parfois utilisée par certains professionnels dans les salles de ventes.

Mais là, autour de nous, ce n’est plus un jeu !

Cette entente illégale lèse le vendeur et la libre concurrence ruine les acheteurs.

La concurrence saine et loyale est parfois impossible.

La situation de la vente du billet de 100 euros est courante : course aux armements, dessous de table pour l’obtention d’un marché, escalades commerciales diverses, promotions et ristournes, etc.

Et en fin de compte, personne ne gagne... cela vous étonne ?

P.-S.

D’après une discussion suivie sur ARTE
Illustration : « Gagnant-gagnant » par Christian Arnould, peintre et illustrateur.